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Prof et Maman, femme avant tout.
2 avril 2015

La réunion parents/profs.

L'autre soir avait lieu la fameuse réunion parents professeurs, et la remise des bulletins trimestriels. Grand moment de communication impossible. Je vous explique pourquoi.

arton861

Le cas de l'enfant brillant

Dans mes classes, il y a de tout : de très très très bons élèves - ceux qui ont les félicitations du conseil de classe à tous les coups -, des élèves plutôt bons, des moyens, des mauvais, des très mauvais. Toute la gamme.

On pourrait penser qu'on est content de rencontrer les parents des élèves brillants. On pourra leur dire que leur enfant est une merveille et les remercier de si bien faire leur boulot de parent. Il n'y aura que sourires et félicitations. Mais le parent d'élève brillant est une personne stressée, en général. Il en veut toujours plus. Il a peur que son enfant échoue. Du coup, le prof a pour mission essentielle de le tranquiliser et, souvent, de lui demander de relâcher la pression sur son gosse, qui est bien pâle. De lui dire que ce serait bien, aussi, que le môme se détende de temps en temps. Parce qu'il va nous faire un ulcère à 20 ans, le petit, à ce train là.

- Oui mais il ne connait pas encore très bien l'imparfait du subjonctif, ça m'inquiète... susurre la maman.

- Plus personne ne connaît l'imparfait du subjonctif, madame, soyez sans crainte.

A la fin de l'entretien, le parent de l'enfant brillant pensera que les profs sont décidément des incapables sans aucune exigence, qui ne se rendent pas compte de la terrible compétition qui règne sur le "vrai" marché du travail (sous-entendu, en dehors de la fonction publique). Il quittera la salle en soupirant et en songeant que ce serait peut être mieux de placer le petit dans le privé.

Le cas de l'enfant moyen

Ce parent-là est souvent souriant, détendu. Il ne s'inquiète pas outre mesure des résultats de son enfant, prend la vie du bon côté. Il connait par coeur la chanson du "peut mieux faire", puisqu'il l'a entendue toute sa scolarité durant. Et on devine une grande satisfaction à entendre le refrain repris par les profs de sa progéniture.

Le hic, c'est que le gamin qui est "moyen" au collège aura du mal à s'en sortir au lycée et dans le supérieur. On le sait, c'est statistique. Bien sûr, il y a des exceptions, mais la tendance générale veut que les notes baissent chaque année, en rapport avec l'augmentation de la difficulté des apprentissages.

Et comme l'élève moyen n'est moyen que parce qu'il préfère passer des heures sur ses jeux vidéos que sur ses devoirs, qu'apprendre une leçon consiste pour lui à la lire deux fois, le prof essaye de mettre en garde contre les mauvaises habitudes qui, à terme, seront rédhibitoires.

- Il faudrait qu'Enzo travaille davantage, qu'il apprenne ses conjugaisons par exemple, ce serait un bon début.

- Oh vous savez, je ne les ai jamais sues, moi !

- Certes, mais aujourd'hui, à l'ère du digital, il est encore plus indispensable qu'avant de savoir lire et écrire correctement, pour faire la différence sur le marché du travail, où la compétition est rude. Les temps ont changé.

- Boâ, on verra bien, il a le temps...

Non, il n'a pas le temps. Hélas, trois fois hélas, il n'a pas le temps. Car plus personne, après la 4e, ne s'échinera à lui expliquer ni les conjugaisons, ni les règles de la chronologie, ni la ponctuation, ni rien de ce qui permet de s'exprimer correctement. Les apprentissages seront autres, plus complexes, et comme il n'aura pas ces bases, il ne pourra pas les assimiler. Il ne pourra donc que se diriger vers une voie technique ou professionnelle, et si tel n'est pas son choix, tant pis. Il aura un emploi, mais sera limité dans sa carrière, ne pourra pas évoluer, ni se cultiver, car ces fameuses bases manquantes resteront un obstacle à sa progression, toute sa vie durant. Et après sa journée de huit heures, il n'aura sûrement pas le courage ni l'énergie pour se plonger dans un Bescherelle ! La mission du prof est de faire en sorte que tous les élèves puissent avoir le choix de leur avenir, la fameuse égalité des chances. Si Enzo a une passion pour l'électricité ou la plomberie et qu'il s'est promis de ne jamais lire un livre, à la bonne heure ! Mais si ce n'est pas le cas ? C'est tout à fait formidable de faire un métier technique ou manuel si l'on aime ça, mais si c'est une obligation parce qu'on n'a pas pu faire autrement, ça s'appelle un échec. Et pourquoi un menuisier ou un technicien de maintenance ne pourrait pas être cultivé et savoir très bien s'exprimer ?

Le prof, qui a suivi le parcours de milliers d'élèves depuis le début de sa carrière, sait bien tout cela, contrairement au parent de l'élève moyen. Il en est même qui disent que tout est joué dés la fin de la maternelle... (http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20121018.OBS6204/maternelle-tout-petits-et-deja-inegaux.html)

Mais le parent de l'élève moyen est un bon vivant qui pense au bonheur de son petit avant tout. On ne va pas le stresser avec de bêtes conjugaisons ! Il n'y arrive pas, ce n'est pas de sa faute ! Sauf que s'il n'y arrive pas, c'est parce qu'il ne cherche pas à y arriver, qu'il n'y est pas contraint. Apprendre ses conjugaisons (entre autres) n'est pas un exploit. Il suffit de s'y atteler, comme pour les tables de multiplication. Les recopier si on a une mémoire visuelle, les répéter à haute voix si l'on a plutôt une mémoire auditive, voire les enregistrer et les écouter au casque. Et surtout, s'entraîner régulièrement. Mais ça prend du temps, et du coup moins de temps pour jouer, pour paresser devant la télé, pour profiter du bon côté de la vie. Or le parent de l'élève moyen ne veut en aucun cas voir son enfant bougonner, râler, piquer une crise parce qu'il l'aura obligé à apprendre ses conjugaisons plutôt que de le laisser tranquillement dégommer des zombies sur son écran. Ce parent là veut la paix avant tout. Grand bien lui fasse ! Mais il ne faudra pas venir gémir que les profs sont des nuls et que le système éducatif est pourri quand il apprendra que son petit chéri est refusé dans les formations qu'il souhaite suivre.

 

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A la fin de l'entretien, le parent de l'élève moyen ne songera pas une seule seconde à changer son mode éducatif, et sera passablement remonté contre les profs, qui sont trop exigents et pessimistes.

Le cas du mauvais élève

Là ça se corse, car ce parent là, contrairement aux deux catégories précédentes, est souvent en attente vis à vis du prof. Il aimerait bien que son gamin s'en sorte mieux. Mais il ne sait pas comment faire.

L'enfant "en difficulté", comme on dit, est dans la plupart des cas un silencieux, qui souffre de passer six heures par jour sur une chaise sans comprendre ce qui se raconte du côté du tableau. Il vit son calvaire le plus souvent sans révolte (mais parfois avec). Il est déjà résigné. C'est un véritable crève-coeur.

Il y a deux sortes de parents de l'élève en difficulté :

1) Le parent qui n'a aucune psychologie, qui tape pour faire entrer les rudiments dans la tête de son avorton, qui gueule toute la journée après tout le monde. Là, pas besoin d'être Einstein pour comprendre que le gamin, déjà occupé à sa propre survie, n'a pas la disponibilité mentale pour apprendre le moindre passé simple. Le prof essaiera surtout de lui donner confiance en lui et de surveiller qu'il ne lui arrive rien de grave.

2) Le parent normal, mais dont l'enfant n'a pas les facultés de raisonnement, de mémorisation, d'analyse, propres aux apprentissages scolaires. Il y a bien des manières d'être intelligent, et les apprentissages scolaires font appel à un certain type d'intelligence, pas à tous. Cet enfant là obtient souvent de très bons résultats dans les disciplines qui ne demandent pas de mettre en oeuvre ces capacités d'abstraction, de raisonnement, d'analyse, comme la musique ou le sport. Il a tout simplement un autre type d'intelligence. Il pourra par exemple faire preuve d'une grande intelligence, de créativité, en matière culinaire, ou pour s'occuper des plantes, ou dans ses relations sociales. Nous ne sommes pas tous pareils, nous avons tous des facilités dans tel ou tel domaine, des difficultés dans tel autre. 

Ces capacités de raisonnement, d'analyse, de mémorisation, peuvent s'acquérir en partie à force d'entraînement, mais de la même manière qu'on ne devient pas un grand scientifique si on n'est pas passionné, on ne peut pas développer ces facultés si on n'en voit pas l'intérêt.

Le rôle du prof dans ce cas de figure va consister à rassurer le parent, à expliquer que son enfant a tout de même des facultés, mais que celles-ci ne sont pas mises en valeur dans le cadre de l'école. Qu'il ne faut pas se décourager, continuer à faire de son mieux, utiliser toutes les aides possibles (aide aux devoirs...), poser des questions, essayer de lire un peu, bref, progresser quand même, même si c'est différemment des autres élèves. Et qu'une orientation précoce dans un domaine d'expertise (lié à ce que l'enfant aime faire) sera le sésame vers une autre vie, plus épanouie.

Car l'école n'a pas vocation à rendre les enfants heureux mais à les instruire d'un certain nombre de choses utiles pour devenir des adultes autonomes et cultivés. Elle n'est qu'un moyen parmi d'autres pour ce faire. Et c'est peut être finalement son caractère obligatoire qui lui fait le plus de tort...

A la fin de l'entretien, ce parent-là se dira qu'il n'a pas de chance, se demandera ce qu'il a raté, et soupirera de n'avoir pas fait "un enfant comme les autres". Ce qu'il ignore, c'est que son enfant a un potentiel tout aussi grand que les autres, mais dans d'autres domaines,que l'école obligatoire ne lui permet pas de le mettre en valeur. Le prof soupirera également, déçu de ne pouvoir apporter de réponses satisfaisantes malgré sa bonne volonté. Contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, il n'y a pas de solution miracle, et un éléphant ne pourra jamais grimper à un arbre, ni un poisson voler. La volonté et le travail ne suffisent pas toujours.

Quand à 21h ou plus, le prof rentrera chez lui, exténué par ce marathon, il sera un peu déprimé. Malgré ses efforts, ses prouesses de diplomatie et de communication, il ne se fera aucune illusion : le fossé entre un parent et un prof demeurera infranchissable.

 

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Commentaires
Prof et Maman, femme avant tout.
  • Je vis avec des enfants, tout le temps. Les miens et ceux des autres. Et ce n'est pas tous les jours facile. Petit panorama d'une prof et maman qui n'oublie jamais que le bonheur, ça se décide.
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