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Prof et Maman, femme avant tout.

2 avril 2015

La réunion parents/profs.

L'autre soir avait lieu la fameuse réunion parents professeurs, et la remise des bulletins trimestriels. Grand moment de communication impossible. Je vous explique pourquoi.

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Le cas de l'enfant brillant

Dans mes classes, il y a de tout : de très très très bons élèves - ceux qui ont les félicitations du conseil de classe à tous les coups -, des élèves plutôt bons, des moyens, des mauvais, des très mauvais. Toute la gamme.

On pourrait penser qu'on est content de rencontrer les parents des élèves brillants. On pourra leur dire que leur enfant est une merveille et les remercier de si bien faire leur boulot de parent. Il n'y aura que sourires et félicitations. Mais le parent d'élève brillant est une personne stressée, en général. Il en veut toujours plus. Il a peur que son enfant échoue. Du coup, le prof a pour mission essentielle de le tranquiliser et, souvent, de lui demander de relâcher la pression sur son gosse, qui est bien pâle. De lui dire que ce serait bien, aussi, que le môme se détende de temps en temps. Parce qu'il va nous faire un ulcère à 20 ans, le petit, à ce train là.

- Oui mais il ne connait pas encore très bien l'imparfait du subjonctif, ça m'inquiète... susurre la maman.

- Plus personne ne connaît l'imparfait du subjonctif, madame, soyez sans crainte.

A la fin de l'entretien, le parent de l'enfant brillant pensera que les profs sont décidément des incapables sans aucune exigence, qui ne se rendent pas compte de la terrible compétition qui règne sur le "vrai" marché du travail (sous-entendu, en dehors de la fonction publique). Il quittera la salle en soupirant et en songeant que ce serait peut être mieux de placer le petit dans le privé.

Le cas de l'enfant moyen

Ce parent-là est souvent souriant, détendu. Il ne s'inquiète pas outre mesure des résultats de son enfant, prend la vie du bon côté. Il connait par coeur la chanson du "peut mieux faire", puisqu'il l'a entendue toute sa scolarité durant. Et on devine une grande satisfaction à entendre le refrain repris par les profs de sa progéniture.

Le hic, c'est que le gamin qui est "moyen" au collège aura du mal à s'en sortir au lycée et dans le supérieur. On le sait, c'est statistique. Bien sûr, il y a des exceptions, mais la tendance générale veut que les notes baissent chaque année, en rapport avec l'augmentation de la difficulté des apprentissages.

Et comme l'élève moyen n'est moyen que parce qu'il préfère passer des heures sur ses jeux vidéos que sur ses devoirs, qu'apprendre une leçon consiste pour lui à la lire deux fois, le prof essaye de mettre en garde contre les mauvaises habitudes qui, à terme, seront rédhibitoires.

- Il faudrait qu'Enzo travaille davantage, qu'il apprenne ses conjugaisons par exemple, ce serait un bon début.

- Oh vous savez, je ne les ai jamais sues, moi !

- Certes, mais aujourd'hui, à l'ère du digital, il est encore plus indispensable qu'avant de savoir lire et écrire correctement, pour faire la différence sur le marché du travail, où la compétition est rude. Les temps ont changé.

- Boâ, on verra bien, il a le temps...

Non, il n'a pas le temps. Hélas, trois fois hélas, il n'a pas le temps. Car plus personne, après la 4e, ne s'échinera à lui expliquer ni les conjugaisons, ni les règles de la chronologie, ni la ponctuation, ni rien de ce qui permet de s'exprimer correctement. Les apprentissages seront autres, plus complexes, et comme il n'aura pas ces bases, il ne pourra pas les assimiler. Il ne pourra donc que se diriger vers une voie technique ou professionnelle, et si tel n'est pas son choix, tant pis. Il aura un emploi, mais sera limité dans sa carrière, ne pourra pas évoluer, ni se cultiver, car ces fameuses bases manquantes resteront un obstacle à sa progression, toute sa vie durant. Et après sa journée de huit heures, il n'aura sûrement pas le courage ni l'énergie pour se plonger dans un Bescherelle ! La mission du prof est de faire en sorte que tous les élèves puissent avoir le choix de leur avenir, la fameuse égalité des chances. Si Enzo a une passion pour l'électricité ou la plomberie et qu'il s'est promis de ne jamais lire un livre, à la bonne heure ! Mais si ce n'est pas le cas ? C'est tout à fait formidable de faire un métier technique ou manuel si l'on aime ça, mais si c'est une obligation parce qu'on n'a pas pu faire autrement, ça s'appelle un échec. Et pourquoi un menuisier ou un technicien de maintenance ne pourrait pas être cultivé et savoir très bien s'exprimer ?

Le prof, qui a suivi le parcours de milliers d'élèves depuis le début de sa carrière, sait bien tout cela, contrairement au parent de l'élève moyen. Il en est même qui disent que tout est joué dés la fin de la maternelle... (http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20121018.OBS6204/maternelle-tout-petits-et-deja-inegaux.html)

Mais le parent de l'élève moyen est un bon vivant qui pense au bonheur de son petit avant tout. On ne va pas le stresser avec de bêtes conjugaisons ! Il n'y arrive pas, ce n'est pas de sa faute ! Sauf que s'il n'y arrive pas, c'est parce qu'il ne cherche pas à y arriver, qu'il n'y est pas contraint. Apprendre ses conjugaisons (entre autres) n'est pas un exploit. Il suffit de s'y atteler, comme pour les tables de multiplication. Les recopier si on a une mémoire visuelle, les répéter à haute voix si l'on a plutôt une mémoire auditive, voire les enregistrer et les écouter au casque. Et surtout, s'entraîner régulièrement. Mais ça prend du temps, et du coup moins de temps pour jouer, pour paresser devant la télé, pour profiter du bon côté de la vie. Or le parent de l'élève moyen ne veut en aucun cas voir son enfant bougonner, râler, piquer une crise parce qu'il l'aura obligé à apprendre ses conjugaisons plutôt que de le laisser tranquillement dégommer des zombies sur son écran. Ce parent là veut la paix avant tout. Grand bien lui fasse ! Mais il ne faudra pas venir gémir que les profs sont des nuls et que le système éducatif est pourri quand il apprendra que son petit chéri est refusé dans les formations qu'il souhaite suivre.

 

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A la fin de l'entretien, le parent de l'élève moyen ne songera pas une seule seconde à changer son mode éducatif, et sera passablement remonté contre les profs, qui sont trop exigents et pessimistes.

Le cas du mauvais élève

Là ça se corse, car ce parent là, contrairement aux deux catégories précédentes, est souvent en attente vis à vis du prof. Il aimerait bien que son gamin s'en sorte mieux. Mais il ne sait pas comment faire.

L'enfant "en difficulté", comme on dit, est dans la plupart des cas un silencieux, qui souffre de passer six heures par jour sur une chaise sans comprendre ce qui se raconte du côté du tableau. Il vit son calvaire le plus souvent sans révolte (mais parfois avec). Il est déjà résigné. C'est un véritable crève-coeur.

Il y a deux sortes de parents de l'élève en difficulté :

1) Le parent qui n'a aucune psychologie, qui tape pour faire entrer les rudiments dans la tête de son avorton, qui gueule toute la journée après tout le monde. Là, pas besoin d'être Einstein pour comprendre que le gamin, déjà occupé à sa propre survie, n'a pas la disponibilité mentale pour apprendre le moindre passé simple. Le prof essaiera surtout de lui donner confiance en lui et de surveiller qu'il ne lui arrive rien de grave.

2) Le parent normal, mais dont l'enfant n'a pas les facultés de raisonnement, de mémorisation, d'analyse, propres aux apprentissages scolaires. Il y a bien des manières d'être intelligent, et les apprentissages scolaires font appel à un certain type d'intelligence, pas à tous. Cet enfant là obtient souvent de très bons résultats dans les disciplines qui ne demandent pas de mettre en oeuvre ces capacités d'abstraction, de raisonnement, d'analyse, comme la musique ou le sport. Il a tout simplement un autre type d'intelligence. Il pourra par exemple faire preuve d'une grande intelligence, de créativité, en matière culinaire, ou pour s'occuper des plantes, ou dans ses relations sociales. Nous ne sommes pas tous pareils, nous avons tous des facilités dans tel ou tel domaine, des difficultés dans tel autre. 

Ces capacités de raisonnement, d'analyse, de mémorisation, peuvent s'acquérir en partie à force d'entraînement, mais de la même manière qu'on ne devient pas un grand scientifique si on n'est pas passionné, on ne peut pas développer ces facultés si on n'en voit pas l'intérêt.

Le rôle du prof dans ce cas de figure va consister à rassurer le parent, à expliquer que son enfant a tout de même des facultés, mais que celles-ci ne sont pas mises en valeur dans le cadre de l'école. Qu'il ne faut pas se décourager, continuer à faire de son mieux, utiliser toutes les aides possibles (aide aux devoirs...), poser des questions, essayer de lire un peu, bref, progresser quand même, même si c'est différemment des autres élèves. Et qu'une orientation précoce dans un domaine d'expertise (lié à ce que l'enfant aime faire) sera le sésame vers une autre vie, plus épanouie.

Car l'école n'a pas vocation à rendre les enfants heureux mais à les instruire d'un certain nombre de choses utiles pour devenir des adultes autonomes et cultivés. Elle n'est qu'un moyen parmi d'autres pour ce faire. Et c'est peut être finalement son caractère obligatoire qui lui fait le plus de tort...

A la fin de l'entretien, ce parent-là se dira qu'il n'a pas de chance, se demandera ce qu'il a raté, et soupirera de n'avoir pas fait "un enfant comme les autres". Ce qu'il ignore, c'est que son enfant a un potentiel tout aussi grand que les autres, mais dans d'autres domaines,que l'école obligatoire ne lui permet pas de le mettre en valeur. Le prof soupirera également, déçu de ne pouvoir apporter de réponses satisfaisantes malgré sa bonne volonté. Contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, il n'y a pas de solution miracle, et un éléphant ne pourra jamais grimper à un arbre, ni un poisson voler. La volonté et le travail ne suffisent pas toujours.

Quand à 21h ou plus, le prof rentrera chez lui, exténué par ce marathon, il sera un peu déprimé. Malgré ses efforts, ses prouesses de diplomatie et de communication, il ne se fera aucune illusion : le fossé entre un parent et un prof demeurera infranchissable.

 

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30 octobre 2013

GRAVITY

Avez-vous jamais rêvé d'aller dans l'espace ? C'est désormais possible avec le film GRAVITY en 3D. Je suis allée le voir hier, et comment dire... WAWW !
Grâce à la 3D et au grand écran, grâce aussi aux images hyper réalistes de la Terre vue de l'espace (dont la plupart sont directement issues de la NASA), on a vraiment la sensation d'y être... Et c'est de toute beauté... En plus, à certains moments, on a les mêmes sensations que celles des acteurs-astronautes... ça tourne ! Je ne vous en dis pas plus à ce sujet, mais franchement c'est une expérience à vivre... D'ailleurs quand je suis sortie du cinéma, j'ai mis plus d'une heure à atterrir... Vraiment je me sentais complètement "hors-monde", c'était très étrange... et assez désagréable en fait !
Sinon pour ce qui est du scénario, il est impeccable, bien rythmé, plein de rebondissements, crédible. Les acteurs sont nickels : George Clooney toujours aussi flegmatique (on le croirait prêt à siroter un nespresso), Sandra Bullock magnifique et émouvante. Un tour de force, quand même, que ce film sans décors (ou presque) et avec seulement deux acteurs ! Mais on ne s'en rend compte que bien après, tant on est très vite pris dans l'histoire et l'atmosphère (si l'on peut dire !) troublante de l'espace. Et ce silence... Incroyable qualité de silence très bien rendue par la bande son.
Idéal pour décoller si vous en avez besoin.
30 octobre 2013

C'est quoi le bonheur ?

Tant de philosophes se sont penchés sur la question qu'il semble bien audacieux de vouloir y répondre en quelques lignes. Et ce d'autant plus que la définition varie en fonction des individus. Pour les uns, ce sera avoir à manger sans problème, pour les autres ce sera être aimé de celui ou celle qui fait battre notre coeur ; pour d'autres encore, ce sera la fin d'une maladie, etc, etc, etc. Il y a les petits et les grands bonheurs, les fugaces et les durables. A mon avis, il est donc vain et illusoire de penser donner une seule réponse à cette question.

MAIS cela n'empêche pas de dessiner ses contours, forcément flous et fluctuants, d'accord, mais pourtant universels. D'après ce que j'en sais, le bonheur c'est donc :

- de petites choses qui nous relient aux autres et au monde qui nous environne, comme un sourire inattendu, une belle fleur qui s'épanouit, une lumière particulière, une parole aimante, un livre qui nous touche...

bonheur

- de grandes choses qui nous relient aux autres et au monde qui nous environne, comme un grand mouvement de solidarité, une belle amitié, une fête réussie, un paysage majestueux, une activité collective qui nous porte...

Premier principe du bonheur, donc : la connexion (se sentir relié, connecté, associé...) avec les autres et avec le monde. Pas forcément TOUS les autres ni l'ensemble de notre environnement, mais suffisamment pour que ce besoin soit comblé. La solitude subie est l'antithèse du bonheur. Quand on n'est pas heureux, la première chose à faire est donc d'aller vers les autres, de leur manifester notre présence. Amis, famille, associations, voisins, collègues, clubs, sont là pour nous permettre d'assouvir ce besoin de reliance. Parallèlement, prêter attention à la beauté du monde, aussi infime soit-elle, augmente considérablement notre sensation de bonheur. Jardiner, admirer des oeuvres d'art ou d'architecture, randonner, écouter la musique que l'on aime, regarder passer les nuages, etc, sont autant de pas vers le bonheur.

Ce premier aspect du bonheur s'associe avec un autre, plus personnel : satisfaire ses besoins vitaux. L'harmonie entre corps et esprit se situe au premier plan du bien-être. Comment être heureux en effet si l'on est fatigué, malade, affamé ? C'est pourquoi les injonctions de notre société doivent faire l'objet d'un examen attentif. Si l'on est fatigué, mieux vaut se coucher tôt plutôt que de regarder une nième série à la télé. Si l'on est malade, prendre une part active à sa guérison (en veillant à son alimentation, en méditant, en sortant de chez soi pour marcher un peu...) est indiqué. Faire un régime pour correspondre aux canons de beauté peut rendre très malheureux, créer des dysfonctionnements importants, et pour quel résultat ? On sait que les kilos reviendront... (je ne parle pas ici des cas d'obésité, qui mettent la santé en danger, mais des quelques kilos de trop qui pourrissent la vie de tant de femmes, pour rien). On ne peut prétendre au bonheur si l'on néglige nos besoins fondamentaux, ceux de notre corps au premier chef. Prendre soin de soi est donc le second principe du bonheur.

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Enfin, dernier aspect (et pas des moindres) du bonheur, c'est vivre en accord avec soi-même. Comme disait Gandhi, "Le bonheur, c'est lorsque ce que tu penses, ce que tu dis et ce que tu fais sont en harmonie". L'intégrité, le courage de ses opinions, la mise en application de nos valeurs et principes, sont donc des vecteurs de bonheur. Pas toujours évident à mettre en pratique (on se tait pour ménager nos intérêts, on subit une situation par peur du changement...), ce principe est cependant essentiel pour se sentir bien, serein. Et la plupart des maladies (mal a dit) viennent d'un non respect de ce principe... Il nous appartient donc de bien définir nos valeurs et nos priorités afin de savoir dans quelle direction avancer, et ne pas craindre de laisser tomber certaines personnes, certaines activités, au profit d'autres qui nous correspondent davantage. Cela peut prendre du temps, cela demande de l'énergie, mais le jeu en vaut largement la chandelle.

Ces trois principes du bonheur (la connexion, la satisfaction des besoins vitaux, l'accord avec soi-même) demandent de l'énergie : ils se réalisent dans l'action, pas dans la passivité. Ils demandent également de la réflexion : quels sont mes besoins ? quelles sont mes valeurs ? quels sont les beautés du monde qui m'environnent ? quelles sont les personnes vers lesquelles j'ai envie d'aller ? En alliant la réflexion et l'action qui en découle (les deux étant inséparables pour parvenir au bonheur), on mobilise toutes les parties de notre être : le corps, le coeur, le mental. C'est le dernier principe. Quand il y a déséquilibre entre ces trois aspects de notre être, on ne peut atteindre la plénitude.

Être heureux, c'est donc assez simple sur le papier, mais en réalité cela demande quelques efforts, car nous ne sommes pas habitués à nous respecter, à nous écouter, et à mettre notre énergie au service de ces principes. Et ce n'est pas une formule magique non plus : nos besoins évoluent, nos priorités également, de même que nos valeurs. Il faut donc rester constamment à l'écoute, et ne pas croire que, une fois le bonheur atteint, on peut se reposer sur ses lauriers. La vigilance est de mise. Mais la vigilance n'est pas la crainte, encore moins la peur.

En espérant que ces quelques lignes vous auront permis de passer quelques minutes heureuses...

 

28 octobre 2013

Enzo et moi

Depuis le début de l'année, je coule des jours heureux dans mon petit collège de campagne. Rien d'étonnant d'après l'Express, qui vient de publier une enquête selon laquelle les trois professions qui rendent heureux sont : cadre de la fonction publique, enseignant et agriculteur. L'hebdomadaire explique ça en disant que ce sont les métiers porteurs de sens qui rendent les salariés heureux, et non un gras salaire ou de grandes responsabilités. Quel scoop ! Pour moi c'est tellement évident...ici

Néanmoins, il y a des jours avec et des jours sans. Et la veille des vacances, c'était un jour sans.

J'étais épuisée, les gamins ne voulaient plus rien faire depuis une semaine (épuisés eux aussi), j'avais utilisé toutes les ressources de mon inventivité pour les maintenir en état d'attention minimale, mais là, vendredi à 16h, je sentais la cocotte prête à exploser.

J'avais les 6eZ, des petits tous mignons qui habituellement font de leur mieux. Mais ce jour-là, aucun n'avait fait le travail demandé. Aucun. Dans leur tête, les vacances étaient déjà entamées. Impossible de fixer leur attention. J'avais pourtant prévu une activité assez détendue, peu exigeante. Mais ils s'en fichaient royalement. Je tentais de garder mon calme mais intérieurement je sentais la pression monter, et arriver le moment où j'allais crier. Chose que je n'aurais pas crue possible...

Soudain je me rappelle que les parents d'Enzo avaient demandé un RDV, et que j'avais fixé une date sur le carnet de liaison. Je demande donc au petit Enzo si les parents sont OK pour le RDV, le jour de la rentrée.

- Je ne sais pas M'dame.

- Mais tu leur a montré ton carnet ?

- Oui, m'dame, mais ils savent pas s'ils pourront venir.

Bien bien bien, surtout rester calme, ne pas se dire qu'on va peut-être poireauter une heure (et payer la nounou) pour rien le 4 novembre... Je profite de ma présence auprès d'Enzo pour lui demander s'il a enfin fait le devoir que je lui réclame depuis 15 jours (et que j'attends pour valider toute la classe sur ce devoir).

- Non, m'dame.

- Pourquoi ?

- Je sais pas m'dame.

Bien bien bien, surtout ne pas s'agacer, considérer qu'Enzo a des difficultés, que l'entrée en 6e l'a certainement perturbé, qu'il ne gère pas bien son cahier de textes, bref, que je suis sûrement trop exigeante avec ce petit.

J'entreprends donc de lui réexpliquer pour la 5e fois ce qu'il doit faire, et cherche dans son cahier l'énoncé du devoir en question. Là, horreur, je me rends compte que pas un cours n'a été pris correctement, que tout est mélangé, qu'il manque la moitié des photocopies que j'ai distribuées... En 7 semaines, Enzo a transformé son beau cahier tout neuf en un horrible champ de bataille. Et pourtant, dieu sait que je suis attentive à tout bien expliquer et répéter sur la tenue du cahier... surtout en 6e.

Bien bien... NON ! Pas bien ! Soudain la colère m'envahit. Je me mets à crier sur Enzo, en lui disant que ce n'est pas possible de continuer comme ça, qu'il doit se réveiller, que le cahier doit revenir impeccable après les vacances, etc.

Au bout d'une minute, ma rage retombe tout à coup. J'ai honte. Honte d'avoir été violente dans le ton envers ce pauvre gamin qui n'arrive pas à faire ce qu'on lui demande, à s'organiser et à répondre aux impératifs de l'Ecole. Je vois bien dans son regard qu'il est habitué à ce genre de représailles. Et ça me fait mal pour lui. Sûrement des années que des profs s'agacent de ses incompétences, le menacent, l'apostrophent et lui disent ce qu'il ne sait que trop bien... : qu'il n'est pas à la hauteur.

Dans la classe, le silence est désormais total. C'est la première fois que les élèves me voient m'énerver, ils me regardent comme si j'étais une autre personne. J'ai honte.

Le cours reprend dans le calme. Personne n'a envie de se voir malmener, alors ils rentrent la tête dans les épaules et espèrent que l'orage va rapidement s'éloigner. L'orage, en l'occurrence, c'est moi.

Autrefois, j'aurais considéré cet épisode comme tout à fait normal. Je suis une prof qui a de l'autorité, je n'ai jamais eu de chahut dans mes classes, et exiger des efforts de mes élèves m'a toujours paru le minimum. Mais depuis que j'ai fait un détour par d'autres métiers, je ne suis plus la même prof. Je n'avais qu'un mot à la bouche, durant mes 15 premières années d'enseignement : RIGUEUR. Je voulais enseigner à mes élèves la rigueur intellectuelle, l'exactitude, la précision, afin de les amener à une auto-discipline, que j'estimais nécessaire pour réussir le parcours scolaire. Or Enzo (et tant d'autres), c'est l'absence de rigueur incarnée. Mon vieux "moi" a ressurgi ce vendredi veille de vacances de Toussaint, du fait de la fatigue sans doute.

Non ce n'est pas normal de crier sur un élève, même s'il ne fait rien de ce qui lui est demandé au sein du collège (de l'école, du lycée...). J'ai appris que tout le monde fait ce qu'il peut, à la hauteur de ses moyens. Et que parfois, des moyens, on en a peu. C'est le cas d'Enzo et de bien des élèves qui passent dans mes cours et dans ceux des autres. Ce gamin aux allures pataudes, au regard contrit, a certainement une vie qui ne lui permet pas de mobiliser suffisamment de ressources pour répondre aux exigences scolaires les plus basiques. Et le prendre en compte m'aidera à l'aider bien mieux que toutes les colères.

Depuis 10 jours que cela a eu lieu, je reste dans le repentir. Et j'ai hâte que la rentrée arrive pour pouvoir présenter mes excuses à Enzo, n'en ayant pas eu le temps le jour J. Je lui demanderai pardon pour ma colère, pas pour mes exigences, que je vais maintenir. Mais désormais je serai plus souvent près de lui pour l'aider à bien tenir son cahier, je téléphonerai à ses parents en cas de besoin, et je lui demanderai de faire en classe les travaux, si besoin est.

Ce n'est pas difficile, dans le fond, de changer de stratégies. Il suffit d'écouter son coeur, qui est un excellent guide pour tout. Je pourrais me dire que je vais punir Enzo, l'avoir à l'oeil, déployer la panoplie répressive, comme le font tant de collègues. Au bout d'un moment, cela fonctionnerait certainement, car ce n'est pas un rebelle. Mais je préfère largement aller vers lui avec bienveillance et compréhension, et lui laisser le temps de parvenir à quelques réussites, aussi minimes soient-elles. Au moins, me dis-je, se sentira-t-il en sécurité dans mon cours. Et cette sécurité lui donnera peut être le courage et l'envie de se dépasser. Pas sûr, mais cette stratégie là a le mérite de me permettre d'être en accord avec moi-même. Et c'est exactement pour cela que je me sens bien dans mon métier : parce que je le pratique avec intégrité.

 

20 octobre 2013

En route pour la Joie

Bonjour bonjour, contente de vous savoir sur cette page à vocation polymorphe.

Tout d'abord, je me présente. Je ne m'appelle pas Henry, non, contrairement à ce que dit la chanson, même si j'aimerais, moi aussi, réussir ma vie et être aimée...

Mais en fait, je suis aimée, et je crois bien que je suis en train de réussir ma vie... C'est d'ailleurs pour cela que j'ai eu envie de faire ce blog : pour montrer que le bonheur, on peut l'atteindre, et pas que cinq minutes par ci par là. En plus, je ne suis pas chanteuse, et je n'aime pas spécialement Balavoine !
Non je suis prof, et maman, et une femme comme les autres. Pas plus présomptueuse que les autres, non plus. Mais consciente qu'après avoir traversé beaucoup d'épreuves, de déconvenues en tous genres, de malheurs divers et variés, je suis arrivée à un stade où je peux dire, tranquillement (sans avoir peur que le ciel ne me tombe sur la tête) : je suis heureuse.
Bien sûr, ça se travaille au quotidien, ce genre de trucs. Il ne faut pas croire que mon existence soit une suite béate de merveilles permanentes ! Comme vous le verrez tout au long de ce blog, des soucis, j'en ai des tas, comme tout le monde ! Mais je crois avoir trouvé quelques moyens de me coucher chaque soir en me disant : hummm, c'est chouette la vie (même s'il y a quelques exceptions). Et c'est cela que j'ai envie de partager avec vous, au long de ces pages à venir.
Donc, les présentations. Je suis prof dans un collège de ZEP en zone rurale. Beaucoup de petits maghrébins, beaucoup d'enfants de viticulteurs. Beaucoup de chômage et de détresse sociale, aussi. Mais un collège dans lequel je me sens bien, à ma place, et dans lequel j'ai du plaisir à travailler chaque jour. Oui, une prof heureuse, ça existe. Mais je n'ai pas toujours eu le sourire en me rendant en classe, loin de là... J'aurai l'occasion d'y revenir, bien sûr.
Je suis au maman de trois adorables filles, les Chéries. Il y a Grande Chérie, 18 ans, qui vit chez son père en Hollande. Puis Gracieuse, 9 ans, enfant de divorcés elle aussi. Et enfin Tornade, 2 ans. On dit souvent que la 3e fois est la bonne, pour moi c'est le cas en termes de vie conjugale. Enfin je crois...
Bref, vous l'avez compris, j'ai eu une vie mouvementée : trois enfants de trois pères différents. Pas facile à gérer, y compris aux yeux des autres, si prompts à juger, à critiquer.
Je suis donc aussi la compagne de Big Chief, un homme infernal et extraordinaire.
Ainsi dans ces pages vous aurez un panorama aussi complet que possible de la vie d'une prof, de celle d'une mère de famille recomposée, et, de manière moins fréquente, d'une femme en proie aux affres de l'amour (avec tout ce que cela comporte de difficultés, même après deux grandes expériences en la matière).
Imaginez le nombre de choses que j'ai à vous dire !!
Mais ce n'est pas exactement mon quotidien que je me propose de vous offrir en partage : ce sont surtout les enseignements de la vie, qui me permettent aujourd'hui de me prétendre heureuse, malgré les embûches et les tracas.
J'espère donc vous apporter joie et sérénité, aide et confiance, car telle est ma vocation (enfin... je crois !)
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Prof et Maman, femme avant tout.
  • Je vis avec des enfants, tout le temps. Les miens et ceux des autres. Et ce n'est pas tous les jours facile. Petit panorama d'une prof et maman qui n'oublie jamais que le bonheur, ça se décide.
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